L'ancienne gare et son tacot

Le bâtiment subsistant de l'ancienne gare de Chatonnay

Les rails ont laissé place à la route départementale devant la gare de Chatonnay, ici vue en 2006.

Les chevaux étaient rares et précieux à Chatonnay, même après 1900 ; il fallait donc se déplacer à pied, ou utiliser la diligence qui reliait Arinthod à Lons, sans pouvoir transporter de grosses charges, ni rapidement, ni sur de grandes distances, comme le permit pendant 40 ans entre 1900 et 1940, ce « chemin de fer vicinal », plus tard raillé sous le terme « tacot », mais d'abord perçu comme heureux signe du progrès industriel dont la Petite Montagne fut si longtemps privé, en regard de régions voisines plus exposées à la modernisation.

Plan des lignes de chemin de fer vicinaux autour de Lons

Plan des lignes de chemin de fer vicinaux. En rouge, les lignes à traction vapeur ; en vert, les lignes à traction électrique ; en bleu, les lignes inachevées.

Le projet initial était de relier Saint Claude à Lons, avec une bifurcation entre Saint Maur et Nogna pour joindre Orgelet. La gare terminus de Lons Bains se trouvait à la place actuelle des hangars de la Régie Départementale de Transports Jurassiens, derrière le commissariat de Police.

C’était à la demande, acceptée en 1898, du conseiller général d’Arinthod, que fut prolongée la ligne Orgelet Lons, parce qu’ « elle ne nécessitait pas d’ouvrages importants ». En revanche, le passage des monts de Revigny avant Lons le saunier, occasionna le percement d’un tunnel de 357 m de long, et la construction d’un superbe viaduc de 5 arches. « Les premiers travaux d’infrastructure sont commencés en 1895. Le département se charge du terrassement, de la pose des voies, de la construction des ouvrages d’arts et des bâtiments. La compagnie privée des Chemins de Fer Vicinaux fournit quant à elle le matériel roulant et le personnel attaché à l’exploitation. »

L’origine de cette voie ferrée se doit donc à la volonté de promouvoir le développement économique du canton, le conseiller d’Orgelet insista pour facilement expédier le bétail destiné à la vente dans les foires de Lons et sa région.

La traversée de la Valouse à Savigna nécessita une déviation provisoire avant la construction d’un pont. Quelques kilomètres avant Arinthod, dans La montée ou « rampe » de Chartres, il fallut comme à Revigny, construire la voie en déviant de la route qu’utilisait la diligence. Plus tard, cette déviation est restée dans le tracé de la route départementale n°109

Les retards étaient fréquents : un train parti de Saint Claude arriva à Lons avec plus de 11 heures de retard, suite à des ennuis mécaniques ou à l’obstruction des voies.

Mais ce train rendait de fiers services, tant aux voyageurs qu’aux commerces et industrie, en transportant par exemple du bois, des matériaux, des bêtes, des denrées. La région d’Arinthod recevait ainsi les produits venus de toute la France et de ses colonies, et pouvait en retour vendre ses richesses.

Le tacot devint ainsi indispensable, avant l’arrivée de l’automobile, et devint ainsi une véritable institution pour les paysans, émerveillés d’être mobiles enfin, grâce à ce monstre de ferraille, de charbon et de vapeur.

La gare d'Arinthod en 1902
Vers le printemps 1902, un train arrive en gare (coll. Artur).

La gare d'Arinthod en 1908
Avant 1908, le train et la calèche sont en gare (coll. Landré).

Plusieurs fois par jour, descendant d’Arinthod par la déviation, la « rampe » de Chartres qui lui évitait une trop forte pente, le tacot s’arrêtait à Chatonnay, s’y ravitaillant en eau grâce au château que l’on voit encore près de la gare reconvertie en résidence secondaire. Ce château d’eau était le seul sur la ligne entre Arinthod et Lons, ce qui en faisait un arrêt obligé.

Sans doute les vaches eurent elles des réticences à s’habituer au bruit s’entendant de fort loin, à la fumée épaisse et blanchâtre, et au mythique sifflet qui annonçait l’arrivée de ce train dans la plaine où elles paissaient.

Il marqua les esprits par sa nature de bête mécanique, autant que par son utilité au désenclavement de notre coin de vallée. C’était une révolution pour les transports qui ne se faisaient auparavant qu’à force d’homme ou d’animal, même si la vitesse et la capacité du train seraient considérées ridicules aujourd’hui. Car elles étaient déjà à l’époque suffisamment faibles pour retarder en le faisant peiner le train dans les côtes…

Le trafic marchandise sur la ligne s’est arrêtée pendant la deuxième guerre mondiale, ses rails et traverses servirent de remblai à une barricade où périrent 2 soldats F.F.I. en tentant d’arrêter un convoi allemand.

Les rails furent razziés pour l’effort de guerre allemand, démontés par les habitants du coin, forcés à ce travail. L’Allemagne manquait de fer et voulait profiter de la main d’œuvre locale

Le pont rouge sur le Valzin, à côté de la gare, fut le 2ème grand pont de Chatonnay, construit pour le passage de cette ligne, quelques années après son début d’exploitation, vers 1905. Il fut nommé ainsi car il était en métal peint au minium de cette couleur.

Elle ne fut jamais remise en état, mais au contraire abandonnée au jeu des enfants qui pouvait l’utiliser pour descendre en wagonnets, restants à la gare de Chatonnay, depuis la rampe de Chartres jusqu’en bas de la plaine.

La gare est donc restée quelques années un terrain de jeu, avec aussi son château d’eau, conçu à la manière de ceux que l’on voit dans de vieux western, qui se remplissait par son toit inexistant. La sortie de l’eau était contrôlée par une vanne que s’amusaient aussi à manœuvrer les enfants.

Projet du réservoir d'eau par l'ingénieur de l'époque

Le réservoir d'eau de la gare de Chatonnay en projet, "coupe suivant l'élévation de l'échelle du flotteur" dessins par l'ingénieur Claudet en 1899. La locomotive à ravitailler est représentée à droite.


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