Sous l’aile vivifiante de la Vouivre

Avant l’étrange heure où les brouillards s’échouent,
Au plus froid et obscur reflux de la chaleur,
Quand se ferment les yeux du lynx et du hibou,
Des fonts et des gours, son corps de mercure affleure.

Une molle nuée, fil d’étoile griffée,
Dardant de tous ses traits de rubis mémorieux ;
Des froids fonds caverneux aux faîtes de la fée,
Elle éploie sa matrice aux liens religieux.

Allègre, fendant l’air de ses brumeuses ailes,
Fluide fusant de rocs aux failles en réseaux,
Elle apparaît comme l’épervier sur l’oiselle,
Éphémère & longue comme rose & fuseau.

Dépourvue de pattes, d’appendices et d’yeux,
Pure de toute attache aux matériaux grossiers,
Elle émet d’almandin rays et souffles de feu
Si oncques s’avisait même à la contrarier.

L’escarboucle confiée au fond creux de son antre,
Elle ouvre sous son cuir céleste, lentement,
Ses pores positifs, instillant de son ventre,
Miasmes, sels et cristaux d’oligo-éléments.

L’astre est encore sombre quand elle court assembler
Dissoudre et sublimer ses formes serpentueuses,
Avant de revêtir l’escarboucle étoilée
Maîtresse aux cieux et dans les mines anfractueuses.

Illuminée par sa rubiconde lorgnette,
L’attitude posée, tel le lit des rivières,
Le geste alerte du mercure et des tempêtes,
Elle erre impartiale entre ombre et entre lumière…

Surgie avant l’aurore, enivrée d’absolu,
La vouivre, imprégnée de vie élémentale
Étire au feu naissant son squelette chenu,
Et baille en son antre les rosées matinales.

Son corps entre partout comme une quintessence,
Partout où l’eau s’insère et où les airs s’enfuient,
Ses sangs et chairs subtils, sa féconde substance,
Soutiennent le monde et en animent les fruits…